Se laisser glisser à vélo le long du Danube filant lentement et majestueusement vers la Mer Noire de Bratislava à Budapest sur 250 km de pistes cyclables bien balisées, pour un vieux couple venant de se taper 650 bornes sur les routes accidentées de Sardaigne ça doit être une sinécure pour sénateurs bedonnants. Et en plus en se laissant guider et en suçant les roues à l’arrière d’un drôle d’équipage bien rôdé : du vélo-repos !!!

Que nenni mes amis !

C’était sans compter sur le vent vif qui a décidé de venir de l’Est presque en continu, un vent qui vous fait parfois tomber la moyenne d’un “gros tiers”. Même sans chercher la perf il faut pédaler fort sur les interminables lignes droites des digues continues ouvertes à tout vent.

Sans compter sur les portions de pistes en dalles-béton, résidus de l’ère de domination soviétique, qui vous secouent la cervelle et le dos dont la caravane qui nous précède semble s’en f... comme de l’an quarante !

Sans compter sur des températures automnales de matin très frisquets qui vous contraignent à ne pas quitter quasiment de la journée bonnets, doudounes, coupe-vent, collant... sauf lorsqu’une halte bienvenue avec chaises-longues au soleil et petite boutique octroient un bon moment de farniente aux anciens, accompagné de bière ou café ou glace ou les trois.

Sans compter sur le train d’enfer mené par un couple rompu aux randonnées au long cours, Etienne en tête (surprenant !) l’œil rivé sur son appli-fétiche (merci Jean-Phi) pour ne pas louper les changements de direction dans les dédales des petites villes riveraines, suivi de sa fidèle Manon qui embarque sans broncher des braquets monstrueux pour recoller au peloton après un arrêt impromptu, qui finissent toujours par lâcher l’arrière-garde qui ne peut plus compter que sur ses propres forces : finie, Mamijo, l’assistance sarde ! Alors, la tête rentrée dans les épaules elle appuye sans protester - c’est aussi ça l’art d’être grand-mère – assistant au spectacle étrange de ce serpent cycliste à cinq têtes qui prend de l’avance en dessinant des sinusoïdes bien peu mathématiques, parfois se dédoublant, ressemblant à un étroit navire qui tangue mais ne verse jamais. Quant au papy il fait souvent office de voiture-balai, ramassant, au gré des arrêts ou non, tour de cou, moufles – c’est aussi ça l’art d’être grand-père. Et dans cette déambulation qui n’est pas sans intriguer les quelques cyclistes ou passants, les “WeeOuists” se laissent tranquillement tirer, oubliant qu’ils ont des pédales, sauf injonction parentale bien peu contraignante, parfois assoupis – hein, Meije ? –, dévorant des dizaines de pages – mais comment est-ce possible, Colline, dans ce “brinqueballement” ? - ou bien encore jouant les aérofreins, n’est-ce pas Anaël ? les moteurs semblant n’en avoir cure malgré la charge du paquetage ! Improbable équipage qui régale et parfois inquiète les observateurs de l’arrière quant à la stabilité de l’ensemble, inquiétudes qui se révèleront infondées. 

Sans compter sur les nombreuses aires de jeux d’enfants croisées qui obligent à un stop qui peut durer jusqu’à ce que toutes les acrobaties possibles et (in-)imaginables aient été épuisées – et dieu sait s’ils en ont de l’imagination ! – et/ou qu’ils aient disparu de l’aire de jeu –ayant rejoint la rive pour batifoler au borde l’eau, suscitant quelque inquiétude de papy et mamie sans la moindre de leurs parents.

Sans compter sur la philosophie de vie qui irrigue cette déambulation européenne et fait du bivouac plus qu’un ersatz d’hébergement, un moyen de sortir, au moins provisoirement, du monde consumériste, et de provoquer des rencontres inattendues tels ces chasseurs nous faisant découvrir leur gibier de 200 kg ou ces deux jeunes revenant nous rapporter des bouteilles d’eau ou bien encore pour faire face à l’imprévu lors de ce bivouac spartiate lorsque les réchauds ont rendu l’âme ! Le feu (merci les briquets !) après le ramassage du bois servira pour faire griller les saucisses et faire cuire une pâtée de ce qui ressemble à des nouilles puis bananes au chocolat fondu ! Et le feu entretenu ne s’éteindra qu’après une merveilleuse veillée où les chansons s’enchaînent au son de la guitare. Ô temps qu’on aimerait voir ton vol suspendu !

Et au réveil : soleil ! et le feu rallumé – bravo mamijo - avec seules quelques feuilles mortes qui se ramassent...! Alors en route pour une nouvelle journée qui s’annonce pleine de découvertes – des plus attendues aux plus improbables !

 

C’est beau de pouvoir regarder de l’arrière ! Essayer c’est l’adopter.

 

Papy